"Why do we need a financial sector ?" : cette question ne provient pas d'une diatribe populiste mais d'un débat très sérieux entre économistes américains, hollandais, français américains enseignant dans de prestigieuses écoles (Cf Vox eu). Vieille question qui ressurgit après chaque crise et celà dés la fin du 19° siècle.
1°) La réforme bancaire : une étrange paralysie des hommes politiques
Que constate t'on comme réponse politique au niveau européen et français ?
- L'Europe apparait plus que jamais divisée et peu agile: d'un coté, la Grande Bretagne a accompli sa réforme bancaire sur un modèle approchant celui des USA ; de l'autre, un groupe de travail s'est monté au niveau européen ce qui au mieux nous annonce une avancée dans trois ans tout au mieux.
Il est donc justifié de faire jouer le principe de subsidiarité en faisant partir les réformes de chaque pays plutôt que d'attendre tout de l'Europe.
- Quant au niveau français, des différentes propositions des candidats il ressort un consensus sur deux ou trois options qui sonnent plus comme des idées politiquement correctes que comme une véritable réflexion sur des réformes structurelles, pragmatiques et concrètes :
* la séparation entre les activités de banque d'affaires et de détail : or, aucune analyse des économistes ne prouve que ce soit la solution idéale : là dessus, très paradoxalement, ce sont les économistes américains qui sont d'ailleurs les plus sceptiques.
* l'utilisation des banques publiques pour suppléer au défaillance du marché pour financer l'économie et l'industrie en particulier. L'intervention des banques publiques dans le domaine industriel s'est plutôt traduite dans le passé par des erreurs que par des réussites en France : souvenons nous du Crédit Lyonnais.
*la construction d'une "tuyauterie" mode inspecteur des finances : le livret d'épargne industrielle... Un rapport non publié de l'Inspection des Finances a amplement démontré que l'orientation de l'épargne ne répondait à aucune logique économique du fait de la superposition de millefeuilles de mode de captation de l'épargne coûteux pour les finances publiques en raison des exonérations qu'ils entrainent.
Cette paralysie de la pensée politique française sur la réforme du système financier doit elle être surmontée. Autrement dit après tout pourquoi as t'on absolument d'une réforme du secteur financier ? Parce que le secteur financier est indispensable à la croissance : voilà pourquoi "we need a financial sector ?". A condition de repartir de quelques fondamentaux qui sont à l'origine du secteur financier
2°) Les voies de la réforme en France : repartir des fondamentaux et des spécificités françaises pour bâtir les fondements d'une réforme.
Dans le domaine financier l'une des idées reçues est qu'il faut une réglementation internationale pour avancer. Mais en fait la convergence réglementaire au risque de choquer les européens dogmatiques n'est pas un objectif en soi.
Les politiques locales ont leurs mots à dire et la subsidiarité est un principe européen.
Pour cela, il faut repartir de questions de bases :
Question 1 De quelles types de banques et/ou de marché financier a t'on besoin demain ?
Question 2 Quelles sont les caractéristiques du modèle bancaire français au regard de l'explicitation de ces besoins ? et lesquels partage t'on avec les autres pays ?
Question 3 Quelles réglementations sont à la portée du législateur français ?
Réponse 1 Redonner de la lisibilité à l'utilité sociétale du secteur financier
- Orienter l'épargne financière des français vers des investissements socialement responsables
Pour que les français retrouvent confiance dans le secteur financier et oriente leur épargne vers les acteurs de l'économie, il leur faut d'autres critères extra-financiers. Or il existe dans ce domaine des méthodes et des outils qui ne sont pas mis à disposition des épargnants mais sont seulement réservés aux grandes institutions : les produits Investissement socialement responsables.
Les propositions :
-supprimer toutes défiscalisation (en Pea,via les opcvm, en Assurances, en épargne salariale) pour des produits qui ne sont pas évalués ISR (sachant que cette labellisation est effectuée par des agences indépendantes où la France est indépendante)
-faire noter les produits bancaires selon les mêmes principes
Avantages : une économie fiscale significative d'au moins 5 Milliards et une orientation au profit d'entreprises moins soumises à des exigences court termiste.
Réponse 2 Débanaliser les banques à vocation territoriale
Une des particularités du secteur bancaire français est l'importance des banques territoriales avec notamment les marques Crédit agricole, Banques populaires, Caisse d'épargne, Crédit Mutuel toutes organisées par zones régionales. Cette spécificité est commune avec l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, les Pays bas et l'Autriche. Le propre de ces banques est le fait que les acteurs territoriaux sont eux mêmes parties prenantes à la gouvernance de ces banques en étant actionnaires.
Pourtant, on observe (on observe le même phénomène au Canda) un banalisation progressive des pratiques de ces banques au fur et à mesure de la cotation de ces groupes ou de la réglementation sans différenciation de ce secteur. Or, tous les économistes en conviennent le mode de gouvernance de ces banques est le meilleur garant que ces acteurs bancaires se sentent une responsabilité sociale et sociétale de leur territoire.
Comment donc éviter que ces banques un peu spéciales le restent ? tout en restant conformes aux exigences de risques.
La proposition : un projet de loi sur les banques territoriales qui
* garantisse une affectation territoriale de l'épargne
* facilite la montée au capital des épargnants territoriaux
*impose des structures territoriales de gouvernance notamment en matière de crédit incluant les "parties prenantes"
Favoriser en contrepartie de ces "servitudes" des avantages en termes de ratio de fonds propres notamment par rapport à la réglementation Bale 3
Réponse 3 Réglementer l'accès au crédit
Les difficultés d'accès aux crédit des particuliers constitue une source d'exclusion majeure dans le paysage social français. Or, cette nécessité de l'inclusion bancaire constitue une ardente nécessité qui ne peut reposer sur le seul secteur publique au travers de la Poste. Le réaffirmer c'est dire d'une autre façon que le secteur financier peut encore d'avantage prouver son utilité en allant au delà des actions de "mécénat" des actions de microcrédit.
Proposition : instaurer à l'instar des USA (loi CRA) une loi obligeant les établissements financiers à démontrer que lorsqu’ils ne prêtent pas à des clients issus de certains quartiers résidentiels, leurs décisions s’appuient sur des critères strictement économiques.
3°) Qu'attendre de l'Europe : revoir le calendrier des réformes de la régulation.
- La réglementation des banques Bale III : afin de prévenir les prochaines crises et éviter aux Etats de venir au secours des banques, il est convenu au niveau international de demander aux grandes banques de renforcer leurs "réserves" de deux façons : augmenter la proportion de fonds propres (rapportés aux crédits consentis) qui sont leur "matelas" en cas de coup dur et leur "cash" (les banquiers parlent de liquidité). Au lieu de cela, à quoi assiste t'on en prévision de cette réglementation, toutes les présentations de résultats des banques françaises en témoignent :
* les banques se délestent des crédits ou le restreignent ("crédit crunch") sans augmenter leurs fonds propres ce qui va obliger les acteurs économiques autres que les particuliers à recourir encore plus aux marchés financiers. Est ce un progrès ? On peut fortement en douter : sauf à être une multinationale, pour une PME ou un professionnel, l'intermédiation par le seul marché fait dépendre celui-ci pour son accès au crédit de facteurs qui n'ont rien à voir avec son activité (la valorisation par les marchés financiers, faut il le rappeler n'est pas totalement rationnelle la crise nous le prouve tous les jours) sans compter le coût supplémentaire d'accès.
A cela s'ajoute, que le paradoxe de cette situation sera une "titrisation" des crédits dont les excès sont à l'origine de la crise financière actuelle.
Enfin, souvenons nous que le premier économiste qui a réfléchi à l'utilité du secteur bancaire pour la croissance, un anglais, Bagehot a dit avec beaucoup de bon sens : "une banque bien gérée n'a pas besoin de capital ; aucun capital ne peut sauver une banque"
* Pour remplir les exigences de liquidités, toutes les banques vont se précipiter sur la vente de produits d'épargne bancaire pouvant rentrer dans leur bilan. S'il est bon pour l'économie du financement que le modèle de banque universelle favorise l'intermédiation de l'épargne, en revanche, la pression de Bale exagéré risque très probablement de conduire à une guerre du passif qui sera destructrice de valeur au final comme l'a montré le cas de l'Espagne et affaiblira durablement et structurellement le secteur financier européen. Cette faiblesse se retournera en final sur les conditions de crédit.
Il apparait donc urgent de revoir le calendrier d'application de cette réglementation qui risque de fragiliser les sources de financement des PME, des professionnels et des agriculteurs dans une période récessive. Le Comité de Bale commence depuis janvier de le reconnaitre du bout des lèvres.
- La réforme des marchés financiers : paradoxalement l'Europe met une grande lenteur à réglementer des acteurs essentiels sur les marchés financiers et qui sont pourtant à l'origine d'une excroissance sans mesure de la sphère financière ou de scandales retentissants : prenons l'exemple de l'affaire Madoff : quels sont les dispositions mises en œuvre pour prévenir de tels agissements ?
Dans ce domaine, au contraire, une accélération des réformes jugées critiques seraient la bienvenue.